Bonheur et vérité, deux valeurs sûres …
Bonheur et vérité, voilà deux valeurs qui comptent dans nos vies.
Nous sommes tous candidats au bonheur. Toute notre activité d’homme est tendue vers le bonheur. C’est vrai que tous les moments de la vie ne sont pas également heureux. Mais en fin de compte, si nous acceptons les situations difficiles, tristes et malheureuses, c’est toujours dans la perspective ou tout au moins avec l’espoir qu’il s’ensuivra un temps de bonheur. Et plus que jamais la société nous conditionne dans cette recherche du bonheur.
D’un autre côté la vérité est elle aussi une valeur en vogue. La somme de nos connaissances augmente phénoménalement. On aspire à tout connaître de l’univers, de l’origine de la vie et de l’homme, de sa destinée, de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, du passé et de l’avenir. Et c’est vrai que l’épopée de la connaissance est l’une des plus passionnantes qu’il nous soit donné de vivre.
Plus prosaïquement, nous voulons aussi tout connaître pour agir en hommes responsables, pour pouvoir décider en consommateurs éclairés et pour ne pas nous laisser abuser par les autorités qui nous gouvernent. On veut tout savoir de la qualité de ce qu’on mange, ou des mesures de sécurité mises en oeuvre pour nous protéger, ou des agissements en coulisses de nos hommes politiques. On revendique le droit de tout savoir et de tout soupeser. A tel point que ce désir de savoir devient parfois excessif.
Quand on regarde du côté de la Bible, c’est par centaines de versets qu’elle nous présente le bonheur et la vérité comme composantes fondamentales de la condition humaine. Telle est bien la volonté de Dieu pour l’homme. J’en prends à témoin ce soupir du Seigneur : « Oh ! si tu étais attentif à mes commandements ! Ton bien–être serait comme un fleuve et ton bonheur comme les flots de la mer » (Esaïe, chapitre 48, le verset 18) et ce conseil de Salomon : « Acquiers la vérité … la sagesse, l’instruction et l’intelligence » (Proverbe 23, le verset 23.) et encore cette parole de Jésus : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. » (Jean, chapitre 8, le verset 32)
Quand bonheur et vérité sont en concurrence …
Le problème qui nous occupe ici, c’est la cohabitation de ces deux valeurs, lorsque bonheur et vérité entrent en conflit l’un avec l’autre. Je vais illustrer mon propos :
Quand mon bonheur c’est de rouler dans une belle voiture et que la vérité c’est que mon compte en banque est dans le rouge, bonheur et vérité deviennent antagonistes. Puis-je réaliser mon plaisir : posséder une voiture luxueuse, ou dois-je privilégier la vérité : je n’en ai pas les moyens ?
Mon plaisir c’est de me laisser aller à la gourmandise, la vérité c’est que ma santé est menacée. Entre plaisir et raison mon coeur balance.
Mon plaisir c’est de m’adonner à l’escalade extrême, la vérité c’est que je cours de graves dangers.
Mon bonheur serait de sortir avec cette jolie fille , la vérité c’est qu’elle n’est pas sérieuse.
Comment réagir lorsque la vérité vient contredire mon bonheur, ou l’idée que je me fais du bonheur ? Tu vas penser qu’avec les exemples que j’ai choisis, j’ai déjà donné ma réponse … Pas si vite ! La réflexion mérite d’être poussée plus loin.
La vérité oui, mais jusqu’à un certain point …
J’observe que nous aimons la vérité, nous tenons à la vérité, mais jusqu’à un certain point seulement… tant qu’elle ne nous contrarie pas, tant qu’elle n’entrave pas notre bonheur.
Et c’est précisément au moment où la vérité nous ébranle qu’elle serait la plus utile. C’est au moment ou l’on aurait envie de s’en détourner qu’elle se révèle la plus profitable pour éclairer nos conceptions et réformer nos actions. En effet, à quoi sert la vérité quand elle nous dit ce que l’on sait déjà, ce avec quoi on est d’accord ?
On tient à la vérité. Mais si elle vient menacer notre bonheur, la première réaction est souvent de mettre la tête dans le sable. On préfère éviter de regarder la réalité en face pour se donner encore un peu de bon temps.
L’arme absolue quand la vérité nous contrarie, c’est, non pas de renoncer à la vérité, mais d’en établir une nouvelle à notre convenance. Tout en abandonnant la vérité objective, la vérité de Dieu, on cherche à faire valoir des principes qui justifient notre égarement. La vérité devient flexible, adaptable, négociable : « Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables. » (2ème épitre à Timothée, chapitre 4, les versets 3 et 4; Esaïe, chapitre 30, les versets 9 à 11). Il est question dans ce verset d’une foule de docteurs. Dans l’Ancien Testament, quand l’Eternel voulait annoncer la vérité et faire connaître sa volonté au peuple d’Israël, il lui suffisait d’envoyer un seul prophète. Mais, lorsque qu’il se détournait de l’Eternel, le peuple se donnait une foule de faux prophètes, comme si le nombre faisait la vérité ! Aujourd’hui c’est la loi du pays, la loi de la majorité, qui fait fonction de vérité morale. Mais chacun sait combien elle est élastique et éphémère. Le nombre fait certes impression, il nous rassure à bon compte, mais pour la sagesse et la vérité il faut chercher ailleurs !
Assumer la vérité avec Jésus.
Il y a toutes sortes de vérités qui, à un moment ou un autre, peuvent nous déranger :
- la cigarette et l’alcool mettent la santé en péril,
- la paresse à l’école compromet le succès aux examens,
- la pornographie imprime dans l’esprit des marques indélébiles,
- les mauvaises compagnies influencent dangereusement le comportement …
On peut sans peine allonger la liste.
Voilà des vérités qui remettent en question notre façon de vivre, des vérités qui nous obligent à nous secouer, à assumer nos responsabilités.
Lorsque la vérité nous prend en défaut il est commode de faire la sourde oreille, de tenter d’oublier l’évidence, de reculer l’échéance, pour jouir encore un peu de la vie facile.
Et puis il y a cette vérité ultime, incontournable, à laquelle personne n’échappe : nous sommes mortels. Pour chacun de nous arrivera ce jour fatal où nous mourrons. Et Dieu ajoute dans sa parole : après quoi vient le jugement.
La question devient cruciale : faut-il préférer notre petit bonheur terre à terre et insouciant ou prendre lucidement en compte cette vérité fatale ? Mais qui peut faire face à une telle vérité ? Qui sommes-nous pour supporter la confrontation à une telle réalité? On peut comprendre les adeptes de la maxime : “Mangeons et buvons car demain nous mourrons.”(1ère épitre aux Colossiens, chapitre 15, verset 32) Comment regarder droit dans les yeux une vérité pareillement tragique ?
Heureusement la vérité ne s’arrête pas là. Jésus ajoute : “ En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.” (Jean, chapitre 5, verset 24.) C’est Jésus qui réconcilie la vérité et le bonheur. Il a dit « Je suis la vérité et la vie. » (Jean, chapitre 14, verset 6.) Je ne pense pas qu’on trahisse son propos en le comprenant ainsi : « Je suis la vérité et le bonheur ». La réponse par excellence à notre question c’est une personne, c’est Jésus.
Il faut ajouter que toute vérité n’est pas pas forcément bonne à connaître pour l’homme. Il n’est pas toujours judicieux pour un malade de connaître la gravité de sa maladie, ou pour la femme enceinte de savoir que son bébé risque une malformation. Toute vérité n’est pas facile à gérer : « Celui qui augmente sa science augmente sa douleur. » (Ecclésiaste, chapitre 1, verset 18.) Aussi Dieu nous révèle-t-il sa vérité avec sagesse et mesure. Il se limite à nous dévoiler la part de vérité utile à la conduite de notre vie. Et lorsque cette vérité nous dépasse, il nous donne le courage et la force d’y faire face.
à cheval sur les principes …
Je ne voudrais pas quitter le sujet sans mentionner une autre forme de dérèglement. Certains sont exigeants à l’excès avec eux-mêmes et avec les autres. Pour eux, ce qui compte par-dessus tout c’est l’attachement à la vérité et le respect des principes. Ils se focalisent sur la vérité au point qu’ils en oublient de vivre. Ils se culpabilisent de se donner du bon temps. Alors que beaucoup, comme on l’a vu, ont tendance à mettre la vérité entre parenthèses, eux, au contraire, mettent leur joie de vivre entre parenthèses.
Il arrive souvent qu’en voiture ma femme me fasse le reproche d’avoir les yeux constamment sur le compteur et d’en oublier le paysage ou sa présence à côté de moi ! C’est juste d’éviter les excès de vitesse. Mais ça ne doit pas devenir une obsession. Lorsque je prends la voiture, le but n’est pas de respecter le code de la route, mais bien de l’utiliser comme une commodité pour mon travail ou mes loisirs. Pour la vie en général c’est la même chose. On ne vit pas pour satisfaire à la vérité ou aux principes. On ne vit pas pour avoir en permanence les yeux rivés sur les cadrans. Ce serait du légalisme. On vit pour être heureux, pour jouir de notre relation avec les autres et avec Dieu. La vérité nous sert de colonne vertébrale et de référence, mais n’est pas, en soi, ni le sens ni le but de notre vie.
En deux mots …
La vérité sans le bonheur, ça peut exister mais c’est triste.
Le bonheur sans la vérité ce n’est pas le bonheur, c’est au mieux un plaisir éphémère et illusoire.
La vérité nous oblige à trier entre vrai bonheur et satisfaction passagère.
De la philosophie à la pratique …
Au départ nous avions une question philosophique destinée à faire travailler les méninges. A l’arrivée nous sommes interpelés par trois questions pratiques qui méritent une réponse personnelle :
- 1ère question : est-ce que, au nom de la fidélité à la vérité et aux principes, je me suis laissé enfermer dans le légalisme ? Il est possible qu’à force de rigueur et de rigidité j’en ai oublié de vivre et que je passe à côté du bonheur.
- 2ème question : est-ce que, au nom de la préservation de mon petit bonheur, je suis en train de refuser d’entendre une vérité peut-être désagréable mais salutaire ? En voulant préserver à tout prix mon bonheur d’aujourd’hui, ne suis-je pas en train de mettre en grave péril mon bonheur de demain ?
- 3ème question : Quelle est ma conception du bonheur ? Celle réductrice qui a cours dans notre société matérialiste, celle qui rime avec désir, plaisir, facilité, insouciance et confort ? Ou celle de l’apôtre Paul qui témoignait de son bonheur en Jésus alors même qu’il était en prison à Rome, engagé dans le sinistre « couloir de la mort » (Philipiens, chapitre 2, les versets 17 et 18) ?