La relation, c’est la vie.
«La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. »1
Connaître Dieu, voilà ce qui importe. Voilà ce qui donne son vrai sens à notre vie et nous ouvre la dimension de l’éternité.
Nous émerveiller devant les perfections de la nature ou prendre garde aux intuitions de notre conscience, c’est un premier pas vers Dieu. Mais la connaissance de Dieu par excellence nous vient de sa parole.
Dans ses ultimes entretiens avec ses disciples, Jésus a prononcé des paroles qui nous font approcher l’intimité de Dieu :
« Quand sera venu le consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement. »2
« Jésus leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit : recevez le Saint-Esprit. »3
Dans ces deux textes, trois acteurs divins sont présents ensemble : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Trois personnes et pourtant un seul Dieu. Cette nature divine complexe a fait couler beaucoup d’encre tout au long de l’histoire de l’église. Dès les premiers siècles, les théologiens ont forgé le mot trinité (= tri-unité = trois en un) pour parler de ce mystère. Ce mot, qui n’est pas dans la Bible, permet de nommer le mystère mais certainement pas de l’expliquer. Les incrédules et les moqueurs s’achoppent à la contradiction 1+1+1=1. Quelle objection ridicule ! Le Dieu souverain, éternel et infini ne se laisse pas enfermer dans une misérable formule. Et si nous voulions vraiment une formule pourquoi ne pas l’écrire ∞+∞+∞ = ∞ ?
Qui sommes-nous, pauvres hommes, simples créatures, pour connaître les profondeurs de Dieu ? Notre intelligence ne peut y prétendre. Un des amis de Job s’exprimait ainsi : « Peux-tu découvrir les profondeurs de Dieu, ou découvrir ce qui touche à la perfection du Tout-Puissant ? »4 Ne perdons jamais de vue que « Dieu est au ciel et l’homme sur la terre »5 et qu’ « autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant les voies de Dieu sont élevées au-dessus de nos voies, et ses pensées au-dessus de nos pensées. »6
Il y a quelque chose d’indécent à vouloir expliquer Dieu sur la base de raisonnements humains.
Par les Écritures, nous en savons assez sur Dieu, tant pour notre vie ici-bas que pour notre espérance éternelle. Nous en savons assez pour l’aimer, l’adorer et lui confier les destinées de nos vies. Il ne s’agit donc pas dans cet article d’ajouter quelque explication que ce soit à ce que nous révèle la Bible. Je veux simplement dire en quoi cette doctrine biblique de la trinité peut avoir des conséquences pratiques dans nos vies et dans l’église.
L’harmonie des trois personnes divines assure la parfaite unicité de Dieu. Par ailleurs, leur interdépendance atteste combien le fait d’être en relation les uns avec les autres a d’importance, jusque dans le cœur de Dieu. Il en est de même pour l’homme créé à l’image de Dieu. Sa vie n’a de sens que dans le cadre d’une relation, d’une interdépendance. Voilà la première leçon de la trinité !
La relation humaine en trois dimensions.
A l’image de Dieu nous sommes faits pour entrer en relation avec autrui. C’est dans la relation que l’homme trouve le vrai sens de sa vie. Par expérience, nous pouvons constater que l’homme nourrit des relations de trois ordres, dans trois dimensions :
- Une dimension verticale. L’homme y rencontre ses supérieurs, ses parents, ses maîtres, son patron. C’est la dimension de la soumission. Il y reçoit un cadre, des principes, des racines, des repères.
- Une dimension horizontale. L’homme y rencontre ses prochains, ses égaux, ses semblables, ses amis, ses frères. C’est la dimension de la fraternité, du partage, de l’échange, de la solidarité, de la communication : on donne et on reçoit l’amour, le pardon, la parole, l’entraide…
- Une dimension intérieure. L’homme va à la rencontre de lui-même, de son âme (à la manière de David dans certains psaumes.) Il ne s’agit nullement de se recroqueviller sur soi-même. Il ne s’agit pas de tourner en rond sur soi, autour de ses problèmes ou encore de fuir la réalité en se réfugiant dans l’imaginaire, la rêverie. Il s’agit plutôt de se parler à soi-même des vraies questions de la vie, d’échapper à la superficialité ambiante. C’est la dimension de la consistance, de l’authenticité, de la conviction.
Ces trois dimensions sont nécessaires à l’épanouissement de l’homme. Fréquemment, les idées philosophiques, les religions ou les systèmes politiques privilégient l’une de ces dimensions au détriment des autres.
• verticalité : judaïsme, islam, monarchie.
• horizontalité : humanisme, socialisme, démocratie.
• intériorité : vie contemplative, religions orientales.
Avec Dieu, la relation par excellence.
A propos de ces paroles tirées des derniers entretiens de Jésus avec ses disciples7, j’ai parlé de trois acteurs : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. En fait, il y en a un de plus. C’est l’homme. C’est moi, c’est toi, avec lequel Dieu veut entrer en relation. Et, précisément, Dieu se manifeste à nous dans les trois dimensions que j’ai évoquées : par le Père il est au-dessus de nous, par le Fils à côté de nous et par le Saint-Esprit au-dedans de nous. Voilà la deuxième leçon de la trinité :
Dans une relation verticale, par le Père, Dieu révèle sa sainteté, sa justice, son autorité, sa souveraineté. Il nous donne son nom : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Et nous le sommes. »8 Il nous intègre à sa famille. Il nous assure des racines, une généalogie (nous ne sommes pas là par hasard), un héritage (notre patrimoine : la santé, les facultés, les commodités matérielles, l’avenir et l’espérance), il nous inculque des principes, des valeurs (honnêteté, sens de l’effort, respect, pureté.) Il est notre source9 et notre destinée10. Il est notre créateur, notre soutien, notre modèle. Un père, un vrai père, ça compte dans la vie d’un homme !
Dans une relation horizontale, par le Fils, il démontre son amour, il s’incarne, il vient à nos côtés, il nous sauve (Jésus = l’Éternel sauve) et il nous parle. En un mot, le Fils est l’accomplissement de la grâce de Dieu. Jésus est venu parmi les hommes comme un frère, avec un corps, un cœur, des actes et des paroles d’homme. Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils11. Jésus-Christ est la parole de Dieu par excellence, la parole de vie, la véritable lumière qui éclaire tout homme.
Dans une dimension intérieure, par le Saint-Esprit, Il habite en nous, nous anime, nous convainc. Il rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, par Lui nous reconnaissons en Dieu notre père. Il est la loi de Dieu inscrite dans nos cœurs selon la promesse donnée dans le livre de Jérémie au chapitre 31, le verset 33. Il nous transforme à son image. Il produit le fruit de la sanctification. Il forge en nous le caractère de l’homme de Dieu. David était un homme selon le cœur de Dieu12 : n’y a-t-il pas là un objectif enviable pour chacun de nous ?
Le Saint-Esprit est appelé l’esprit de vérité, celui qui illumine mon intelligence pour que je comprenne Sa Parole, pour qu’elle devienne lumière sur mon sentier. Il me dit la vérité sur la vie, sur le monde, sur l’au-delà, sur moi-même, sur les choses qui comptent, qui ont du poids, qui méritent qu’on s’y attache.
Il est aussi le Consolateur, celui qui prend en charge les échecs, les frustrations, les injustices, les séparations, les persécutions, qui, inévitablement, jalonnent notre route. C’est face à l’épreuve que se confirme l’authenticité de la présence de Dieu en nous.
Et si ma relation avec Dieu est déséquilibrée… ?
Il est important de veiller à l’équilibre et d’accueillir à égalité Père, Fils et Saint-Esprit. Bien des désordres dans la vie spirituelle des individus et des églises sont le résultat d’un déséquilibre dans leur relation avec Dieu.
En accentuant l’exigence du Père, nous tombons dans un légalisme qui nous dessèche et nous paralyse. Nous devenons dur envers nous-même et envers les autres. Nous tentons de satisfaire aux commandements de Dieu à la force du poignet et perdons de vue son amour et sa grâce. Combien, voulant ainsi faire l’ange, ont finalement fait la bête !
Gardons-nous d’avoir une relation servile avec notre Père céleste, de le prendre pour un père fouettard !
En focalisant à l’excès sur le Fils, sur la fraternité, sur la volonté d’accepter l’autre, nous tombons dans l’humanisme et une tolérance sans discernement – toutes les opinions sont valables. La grâce de Dieu est telle que ‘nous irons tous au paradis’. Nous prenons nos distances avec le Père, nous soustrayons à l’autorité, oublions nos racines, abandonnons les valeurs, perdons tout discernement et tombons dans le laxisme et le désordre. C’est ainsi que l’esprit de mai 68 a engendré une génération rebelle, déracinée, matérialiste, étrangère à tout principe moral, ne reconnaissant ni Dieu, ni maître.
Enfin, à vouloir exagérer la relation avec le Saint Esprit, nous tombons dans l’illuminisme. Nous imaginons pouvoir court-circuiter la parole de Dieu et être directement inspiré par Dieu pour conduire notre vie et expérimenter des choses spectaculaires. Je le rappelle ici : le Saint-Esprit est un esprit de vérité. Faute de s’en tenir à la seule Écriture, le Saint-Esprit cède la place à un esprit de confusion, de fantaisie, voire de manipulation. Les croyants se croient édifiés et sont en réalité égarés.
À quatre pour viser le but…
Jésus n’a jamais revendiqué l’indépendance. Pourtant il en aurait eu les moyens, lui le Fils de Dieu. Bien au contraire, sa raison de vivre et de servir, il la trouvait dans sa relation avec le Père.
Comme le Père m’a envoyé… Combien de fois durant son ministère terrestre Jésus s’est mis à l’écart, de nuit, sur la montagne, pour recevoir, dans le dialogue avec son Père, le conseil et la force en vue de la tâche à accomplir.
… moi aussi je vous envoie. Le vrai sens de notre vie, nous le trouvons dans le fait que le Fils nous envoie. Nous vivons dans une époque d’individualisme et d’égoïsme où seuls comptent mon profit, mon plaisir, mon épanouissement, ma liberté. Certes je nourris des relations. Mais je les trie sur le volet. Je choisis celles qui me conviennent. Il nous faut revenir à cette réalité : je ne roule pas pour moi-même. C’est Dieu qui m’envoie. C’est dans la relation équilibrée, dans la concertation permanente avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit que je serai en mesure d’atteindre le but de Dieu pour ma vie. Cultiver cette relation, c’est prendre le risque d’être contredit, de devoir se remettre en question, de devoir en souffrir. Le Seigneur lui-même a connu cela dans le jardin de Gethsémané, quelques heures avant le supplice de la croix. Serions-nous à ce point embarrassés par les choses de la vie, par notre confort, notre plaisir, nos biens que toute difficulté sur le chemin de l’obéissance à Dieu deviendrait inacceptable ? Que le Seigneur nous fasse à chacun la grâce de garder un oeil sain et un jugement avisé pour reconnaître ce qui a une valeur réelle et éternelle dans nos vies. Et qu’il nous accorde la grâce de faire le bon choix.
Références bibliques :
- Évangile de Jean chapitre 17, verset 3.
- Évangile de Jean chapitre 15, versets 26 et 27.
- Évangile de Jean, chapitre 20, versets 21 et 22.
- Livre de Job, chapitre 11, verset 7.
- Livre de l’Ecclésiaste, chapitre 5, verset 2. Voir aussi Livre des Psaumes, chapitre 115, verset 3.
- Livre d’Esaïe, chapitre 55, verset 9.
- Évangile de Jean chapitre 15, versets 26 et 27 et chapitre 20, versets 21 et 22.
- 1ère lettre de Jean, chapitre 3, verset 1.
- Livre des Psaumes, chapitre 87, verset 7
- Livre des Psaumes, chapitre 31, verset 14
- Lettre aux Hébreux, chapitre 1, verset1
- 1er livre de Samuel, chapitre 13, verset 14